Une contribution par Melle Amina FELLOUS
L'ibis
chauve est des espèces d'oiseaux les plus rares et les plus menacées, c'est une espèce en état critique d'extinction au niveau mondial
selon les catégories de la liste
rouge de l'UICN.
Causes de régression au niveau mondial :
Les principales causes de déclin des populations
d'ibis chauves sont :
-La persécution directe par l'homme
particulièrement en Europe centrale, par le prélèvement des œufs.
-L'utilisation
des pesticides utilisés dans la lutte antiacridienne, particulièrement
au Maroc ainsi que des produits à base
de DTT comme cela s'est produit en Turquie.
-La perturbation et destruction des aires de
gagnages par l'intensification des activités agricoles, ainsi que l’assèchement
des lieux d'abreuvements ( zones humides ) en milieux arides et semi arides.
-La perturbation et perte de la quiétude au
niveau des sites de reproduction.
Données actuelles de l’ibis chauve en Algérie :
L'Algérie avec le Maroc faisait partie il n'y
a un peu plus d'une décennie d'un des
derniers bastion de l’existence de l’ibis chauve en Afrique du Nord.
Quelques rares références font état du statut actuel de l’ibis chauve (Geronticus
eremita) en Algérie.
La grande majorité des données recueillies
datent pour la plus part des années cinquante en zone semi aride,où une dizaine
de colonie était signalée pour l'Algérie.
La dernière colonie ayant survécu jusqu’au début des années 1990s, a été découverte en 1974 dans le sud ouest
algérien, précisément dans la région d'El Bayadh .
( voir carte)
Distribution historique de l'Ibis chauve en
Algérie
Une recherche assidue a été entreprise depuis
2000, 2002, 2004 sur site avec la
collaboration de l’Unité de Conservation et de Développement (UCD) d’El Bayadh
afin d’établir les principales causes de disparition de cette colonie,
ainsi que la recherche de sites potentiels de nidification dans la région.
Une enquête a été lancée dernièrement auprès
des populations locales afin de recueillir le maximum d’informations possibles
sur cet oiseau vénéré dans la région tout en ayant comme
perspectives :
-
La mise en place d’un plan
d’action national de réhabilitation, évaluant de manière objective et
scientifique la situation actuelle de cette espèce en Algérie.
-
Sa possible réintroduction dans
son milieu naturel en accord avec les recommandations du groupe international
de recherche sur l’ibis chauve,
-
Ainsi que son utilisation
comme porte drapeau symbolique de la
steppe dans le domaine de l’écotourisme,
valorisant autrement cette région qui est déjà à vocation totalement pastorale.
Quelles sont les données nouvelles issues
du questionnaire ?
Notre questionnaire (toujours en cours) englobant plus d’une
vingtaine de questions, ciblait comme
interlocuteurs principaux les personnes âgées
ou les anciens des principales tribus de la région d’El Bayadh, les
Ouled Aissa, Zwa, et Ouled Moumen, vivants aux alentours ou à proximité directe
avec l’ancien site de nidification.
Les principales questions traitaient de :
-
la connaissance de la distribution
ancienne et /ou récente de l’espèce
-
la biologie de l’espèce selon les
observations des personnes interrogées, précisément, les périodes d’arrivées,
départs, utilisation des zones de gagnages,…
-
Les principales causes de
régression supposées, prédations, chasse, maladies, sécheresse,…
Premiers résultats :
La donnée la plus originale est
l’observation en automne de l’année 2005 de 2 individus en vol, au lieu dit Theniet Ouled
Moumen à quelques deux kilomètres à vol d’oiseau du dernier site de nidification signalé à El Bayadh. Déjà en 1996, il nous a été signalé
(sans confirmation) l'observation de trois individus dans la région de Labiodh Sidi
Chikh située à une centaine de kilomètres au Sud de l'ancienne colonie.
Habitat très favorable dans les alentours du dernier site de nidification |
Symbolique
de l’espèce :
Pour les anciens des tribus consultés, l’ibis
chauve reconnu sous la dénomination d' Aicha El Garaa, Aïcha la Chauve, confirme
déjà la valeur symbolique de religiosité de cette espèce dans la région , il nous a été aussi
signalé le choix délibéré de l’emplacement des nids en direction de la Mecque . L’ibis chauve a
toujours existait parmi les populations locales, sa présence parmi
les populations locales avait la valeur de porte bonheur, symbole de
paix et de sérénité.
Estimation des effectifs :
D’après les informations recueillies, les
colonies existantes étaient composées de 300 à 400 individus, les premiers
déclins ont été notés à partir des années 1950s.
Les derniers individus de (12 à 18 spécimens)
y ont été signalés vers la fin des années 1980s.
Les derniers ibis chauves photographiés en Algérie, à El Bayadh, printemps 1985 (photo Koen De Smet) |
Biologie de l’espèce :
Les dates d’arrivées correspondaient à la fin
de l’hiver (février, début mars) et les départs étaient observés dés la fin de
l’été.
Les
juvéniles arrivant avec les adultes et repartaient avec eux.
Les départs et arrivées se faisant en vol
groupé et massif.
Peu d’informations nous ont été données quant
à la biologie de la reproduction de cette espèce sur le début ou la fin de la
période de reproduction, du nombre d’œufs pondus ou de jeunes éclos.
Les zones de gagnages étant toujours à
proximité des lieux de nidification où des
points d’eau existaient aussi non loin de ces lieux.
Causes de régression :
Parmi les principales causes du déclin de
cette espèce dans la région, il nous a été signalé :
-La chasse directe et le tir des oiseaux par
les soldats de l’armée française à l’époque coloniale,
-La perduration de la période de sécheresse
dans la région durant les années 1980s,
-La cause divine est une des mentions les plus
cités, au vu de la valeur symbolique de la paix et de la prospérité de cette
espèce, il est intéressant de relever les pertes des effectifs à des périodes
du début de la lutte de libération et de la période de trouble qu’a connu notre
pays.
Dernier site de nidification |
D’autres causes possibles de déclins ont été
aussi proposées, mais n’ayant pas eu l’approbation des personnes interrogées,
notamment :
-
L’effet de la prédation sur les
nichées
-
Des maladies ou infections ayant
touchées les oiseaux
-
La perturbation et la perte de la quiétude par l’utilisation
d’un lieu d’ermitage et de recueillement par quelques érudits au sein même du
lieu de nidification
-
L’utilisation supposée de produits
phytosanitaires à base de DTT ou de produits antiacridiens
-
La perte des aires de gagnage par
l’utilisation du pâturage extensif
-
L’impact des nouvelles
exploitations agricoles dans les environs immédiats de la dernière colonie
d’ibis chauve.
La dernière
question posée quant à la possibilité de la réintroduction de l’ibis chauve
dans leur région, toutes les réponses données étaient positives, certains même
s’étant proposés pour être désignés
comme protecteur de ces oiseaux comme l’ont fait leurs aïeuls l’avaient
fait auparavant.
Conservation et
réhabilitation de l’ibis chauve en Algérie :
Très peu de données le concernant existent à l’heure actuelle, à la lumière des informations issues de ce premier questionnaire ciblant particulièrement l’ibis chauve au niveau de la dernière colonie connue en Algérie, aucun plan d’action national de sauvegarde n’a été initié jusqu’à l’heure actuelle.
Il
serait grand temps d’y remédier en mettant en place un projet de conservation
et de réhabilitation de cette espèce menacée, avec une planification des axes
de recherches prioritaires, dans la connaissance des principales contraintes et
causes de régressions dans son aire naturelle de distribution .
-Des
investigations plus poussées devraient être cadrées et précisées pour la
recherche d’éventuels sites potentiels de nidification.
-Des actions concrètes au profit de l’ibis chauve, peut être par la
mise en réserve du dernier lieu de nidification pouvant être réutilisé pour une
éventuelle réintroduction avec l’appui et la collaboration des populations
locales
Une collaboration scientifique avec les
laboratoires, institutions spécialisées, administrations locales, ONG locales,
associations nationales ou internationales ( UICN, IAGNBI, BirdLife, …)
oeuvrant ensemble pour la concrétisation des efforts de conservation de l’ibis
chauve en Algérie à la lumière des dernières données optimistes du retour
discret de cet emblème de la paix pour cette région et pour l’ensemble du pays.
-
Des actions de sensibilisations
restent encore a être menées à l’échelle locale et nationale afin d’accroître
l’intérêt du grand public sur cette espèce par la diffusion de dépliants,
d’affiches, de tables rondes,….
-
Son utilisation comme porte drapeau symbolique de la steppe dans le domaine de l’écotourisme, valorisant
autrement cette région qui est déjà à vocation totalement pastorale n’est pas aussi à
négliger.
-
Par cet oiseau symbole, pourrait
être stimulé de nouvelles vocations pour de jeunes naturalistes, et pourrait
être utilisé comme initiateur à l’ornithologie au niveau local, régional et
pourquoi pas national.
Principales références :
BELLATRECHE,M. 1994: Données nouvelles sur l’avifaune
algérienne. Alauda, 62 (3): 136-138.
COMINARDI, F.1993 : Contribution
à la connaissance des oiseaux des monts des Ksours.
(unpublished
document)
FELLOUS,
A.2004.A short review of the historical distribution of the Northern Bald Ibis
( Geronticus eremita) in Algeria.in the International Advisory
Group on the Northern Bald Ibis (
IAGNBI) newsletter 3( Boehl, C. Ed.) 48-49
ISENNMAN, P. & A. MOALI
.2000: Oiseaux
d’Algérie/Birds of Algeria. SEOF. Museum d’Histoire Naturelle de Paris.336p
LEDANT, JP. JACOB, JP., JACOBS, P., MAHLER, F., OCHANDO, B.& J. ROCHE.1981: Mise à jour de l’avifaune
algérienne. Le Gerfaut 71: 295-398.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire