mercredi 25 septembre 2013

Ibis chauves repérés à Sidi Kaouki

Une douzaine d'ibis chauves ont occupé les rochers et la zone arrière de la plage à Sidi Kaouki au Sud d’Essaouira pendant quelques semaines en février 2013. Sylvie Brignon, auteur de ces observations, nous a aussi procuré ses photos.

Il s'agit du plus grand groupe enregistré dans les dernières décennies loin de la zone de distribution habituelle de l'ibis chauve dans la région entre Tamri et Souss-Massa.

Photo, Sylvie Brignon

Les localisations d'Aylal les plus éloignées enregistrées étaient dans la zone de la Commune Tafedna, quelque 70 km au nord de Tamri, mais un site fréquenté par quelques oiseaux, normalement des jeunes, est près d'Imsouane, 20 km au nord de Tamri. La nouvelle localisation à Sidi Kaouki est à quelque 140 km à vol d'oiseau de cette colonie.

Photo, Sylvie Brignon



Voir aussi ici

dimanche 22 septembre 2013

Dispersion juvénile

Beaucoup de jeunes ibis se dispersent dans la région de Souss-Massa-Tamri, ou dans les alentours, comme dans l’aire d’Imessouane.
Jeunes ibis photographiés à Immessouane (© JFO-SEO/BirdLife)
Cependant, un nombre important de jeunes vont beaucoup plus loin. Au fil des années, le projet de conservation dans ibis chauve Maroc ont a recueilli beaucoup de ces observations par des collègues et ont a aussi mené des entretiens systématiques et spontanées.

Quelques uns des emplacements approximatifs des observations d’Ibis chauve au cours des 20 dernières années. Les flèches indiquent les colonies.
Un site d’observation habituel est Sidi Ifni, située sur la côte non loin de PNSM. La région de Tan-Tan et Goulimine sont bien au sud des colonies de reproduction et ont a enregistré plusieurs observations au fil des ans. Encore plus loin sont les observations faites à Boujdour, au Moyen-Atlas ou Péninsule Tingitane, à la fois à l'intérieur et au nord.

Même s'il ya eu quelques commentaires à Dakhla, dans le Sahara Atlantique, et plus au sud encore, à Cabo Blanco, en Mauritanie. C'est précisément là bas où notre collègue Michel Cedenilla, de l'équipe chargée de surveiller la grande colonie de phoques moines, a prise cette photo.

(Photo © Michel Cedenilla)
Sauf certains cas particuliers, presque toutes les observations ont été de deux à cinq jeunes ou sous-adultes. L'un des principaux objectifs de recherche est d'en apprendre davantage au sujet de cette dispersion, de sorte que toute observation faite est d'une grande valeur. Le télédepistage des ibis chauves a, aussi, ce but.



Pour savoir d'avantage sur la dispersion des ibis chauves au Maroc 

mardi 17 septembre 2013

Saint-Gall, 1562

Saint-Gall en 1548
(de Wikimédia)
La collection de codex numérisés de la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Gall (Sankt Gallen), en Suisse, l'une des bibliothèques les plus anciennes et les plus riches au monde, nous offre un ouvrage singulier présentant un grand intérêt pour connaître la distribution historique de l'ibis chauve.

L'histoire de l'abbaye est curieuse par elle-même, étant donné qu'elle est restée catholique pendant près de trois siècles, bien que la ville eût embrassé la réforme protestante. La fortification de l'abbaye permit de protéger les images des incursions des iconoclastes.

Au milieu du XVIe siècle, le Prince-évêque
Diethelm Blarer commanda à l'italien Manfredo Barbarini Lupo, de Correggio, une série de pièces chorales à quatre voix pour les différentes festivités religieuses de l'année. En 1562, l'œuvre fut terminée, avec des textes du père Heindrich Keller et, sur les premières pages, des enluminures de Kaspar Härtli, de Lindau, au nord du lac de Constance.
Sur certaines pages, les illustrations montrent de nombreuses images d'oiseaux.

Sur la page 5 figurent de nombreuses espèces, des chardonnerets, corneilles, troglodytes, rouges-gorges, bouvreuils, bergeronnettes ou becs croisés, même si certaines ne sont pas faciles à identifier. 

Au centre du folio il y a une image des plus précises, qui montre un jeune ibis chauve, ce indique que l'artiste était familier de cette espèce.

Source 
Cod. Sang. 542, page 5, Stiftsbibliothek St. Gallen / Codices Electronici Sangallenses http://www.cesg.unifr.ch





Traduction: E. Langrené

dimanche 15 septembre 2013

Waidhofen, 1383



Waidhofen an der Thaya est une ville de Basse-Autriche, non loin de la frontière tchèque.

Une image de 1383 dans le Stadtbuch (livre de la ville, document médiéval qui contenait les principaux accords juridiques qui régissent la municipalité) représente un ibis assez ressemblant, malgré certaines libertés artistiques. La tête étant noire, il doit s’agir d’un jeune qui n’est pas encore chauve comme les adultes.




En 1980 on édita en Autriche un timbre commémorant le 750 anniversaire de la fondation de la ville qui valait 2,5 Schilling et qui reprenait la page principale du livre de la ville.





En fin, à la limite du district de Waidhofen, il y a un marché (Marktgemeinde) dénommé Vitis, dont il existe des traces qui remontent à 1150 et sont antérieures à la ville elle-même. Sur son blason figurent une église et, nichant sur son toit, un oiseau au long cou et au plumage noir, qui peut être un ibis chauve.






Traduction: E. Langrené

vendredi 23 août 2013

Rapport sur la reproduction 2013 de la population des Ibis chauves dans la région de Souss-Massa

I. Introduction:
Dans le cadre de la mise en oeuvre du Plan d’Action National pour la Conservation de l’Ibis chauve Geronticus eremita, élaboré en 2008 par le HCEFLCD en collaboration avec ses partenaires, l’activité du suivi de la reproduction des ibis représente un aspect important dans le suivi de l’évolution de la dynamique de population de l’espèce. Les données collectées composent une assise scientifique pour toute intervention à entreprendre, dans l’objectif d’assurer le succès de la reproduction des oiseaux et renforcer la dernière population viable des Ibis chauves au monde.
Toutes les dispositions ont été prises pour assurer le succès de la reproduction des ibis, à savoir l’approvisionnement quotidien des points d’eaux aménagés au niveau des sites de nidification et le gardiennage permanant pour empêcher tout dérangement susceptible d’affecter le bon déroulement de la reproduction des oiseaux.


II. Principales activités et événements de la saison 2013:
1. Gardiens :
Le suivi de la reproduction est réalisé avec le concours des 7 gardiens recrutés par SEO BirdLife, dans le cadre du projet de Conservation de l’Ibis Chauve: 4 au niveau du Parc National de Souss-Massa (PNSM) et 3 dans la zone de Tamri.
  
2. Colonie C et essaie d’attraction des oiseaux :
L’installation en 2000 de 3 modèles d’ibis en plastique sur la plate-forme de la colonie C, avait pour objectif d’attirer les ibis pour recoloniser ce site de nidification, abandonné en 1997. Comme pour les années précédentes, les visites régulières au dit site, n’ont révélé aucune fréquentation de la falaise par les oiseaux. Il y’a lieu de noter que les modèles en question sont actuellement couverts par les sédiments et peu visibles.

3. Dérangement:
Les sites de nidification n’ont pas connu cette année une grande fréquentation par les touristes en comparaison aux années précédentes. 12 visiteurs dont 9 ornithologues se sont approchés du site de nidification à Tamri et 2 photographes ont été observés près du sites A et F dans le parc.
Cependant cette années le site E, situé dans la zone sud du PNSM a connu une grande fréquentation par les pêcheurs à la ligne. Cette fréquentation a coïncidé avec le début de la reproduction des ibis, ce qui a nécessité l’intervention des gardiens assistés par les agents forestiers pour persuader ces pêcheurs de s’éloigner de la falaise ; ce qui a permis aux ibis de s’installer dans le site pour y nidifier.


4. Points d’eau:
Les abreuvoirs ont été quotidiennement lavés et alimentés en eau par les gardiens, durant toute la période de reproduction des ibis. Le suivi de leur utilisation a montré une fréquentation régulière par les ibis.


III. Résultats de la reproduction pour la saison 2013:
La saison de reproduction a débuté à Tamri vers la première semaine de février pour s’achever au cours de la dernière semaine de mai. A l’encontre de l’année précédente qui s’est distinguée par un échec total de la reproduction des ibis, on a enregistré cette année dans le site de nidification de Tamri un total de 60 couples reproducteurs qui ont produit 161 poussins. Comme c’est le cas en général pour les oiseaux qui nidifient à Tamri, on a noté un faible taux de survie des poussins (44%), puisque moins de la moitié seulement (71 poussins) ont réussit l’envol. La productivité ainsi enregistrée dans ce site a atteint 1,1 poussin/ nid. Ce qui peut être considéré comme une nette augmentation, si on considère les résultats de 2012.
Dans la zone du PNSM, la reproduction a été plus tardive et n’a débuté que la première semaine de mars et a pris fin vers la mi juin. Cette année, elle a été troublée par le dérangement causé par un faucon lanier, au niveau du site B. Les vols répétés de ce rapace, au dessus de la plateforme, qui accueille d’habitude 6 nids, a empêché les couples de s’y installer pour nidifier. En conséquence, la zone du PNSM a connu la reproduction de 53 couples, qui ont donné naissance à 101 poussins, dont 77 ont survécu jusqu’à l’envol, enregistrant un taux de survie de 76%. Ce résultat montre un net accroissement par rapport à l’année précédente , ce qui fait que la productivité a atteint le 1,4 poussin/couple, dépassant de ce fait les performances notés à Tamri.
Ainsi, l’issu de la saison de reproduction de la population de l’ibis chauve, on note que sur les 118 couples qui ont fréquenté les sites de nidifications, 113 couples ont réussi à donner naissance à 262 poussins, parmi lesquels 148 sont parvenus à quitter le nid, un taux de survie des 56% et une productivité de 1,3 poussin /nid.
Le tableau 1, ci dessous, résume le bilan de la reproduction des ibis, au niveau de chaque de site de nidification, durant la saison de 2013.

Tableau 1. Résultats de la reproduction au niveau des différents sites de nidifications.
Paramètres
PNSM
TAMRI
PNSM & TAMRI

Site A
Site B
Site F
Site E
Total


Couples nicheurs avant ponte
20
0
16
20
56
62
118
Couples reproducteur avec pontes (1)
20
0
15
18
53
60
113
Poussins produits
34
0
34
33
101
161
262
Poussins ayant quitté le nid (2)
28
0
24
25
77
71
148
Taux de survie des poussins (%)
82,3
0
70,5
75,7
76,2
44
56,4
Productivité (2/1)
1,4
0
1,6
1,3
1,4
1,1
1,3


La comparaison des différents paramètres de la reproduction des ibis pour , avec ceux de 2012 (Tableau 2), montrent clairement une amélioration des performances de la population des ibis pour cette année. Ceci revient aux bonnes conditions climatiques qui ont régnés dans la région, notamment par la répartition des précipitations sur une période qui s’est étalées de septembre 2012 à avril 2013. La pluviométrie qui a dépassé les 200 mm, s’est répercutée favorablement sur le développement des ressources naturelles et probablement sur la disponibilité des proie, ce qui a eu un impact positif sur le potentiel reproducteur des ibis.

Tableau 2. Comparaison des résultats de la reproduction des années 2012 et 2013
Paramètres
PNSM
Tamri
PNSM &Tamri

2012
2013
2012
2013
2012
2013
Couple nicheur avant ponte
62
56
43
62
105
118
Couples avec pontes (1)
54
53
11
60
65
113
Poussins produits
95
101
0
161
95
262
Poussins ayant quitté le nid (2)
56
77
0
71
56
148
Productivité (2/1)
1
1.4
0
1.1
0.8
1.3

Le suivi de l’évolution des paramètres de la reproduction, dans la région de Souss-Massa, montre que la population des ibis chauve comptent actuellement le plus grand nombre de couples reproducteurs, jamais recensé depuis le lancement du programme de conservation de cette espèce en 1993 (Figure 1).

Figure 1 : Evolution du nombre de couples nicheurs de la population des ibis chauves dans la région de Souss-Massa

Le nombre de poussins produit connait également une nette augmentation (Figure 2), et ce malgré le faible taux de survie des poussin relevé dans le site de Tamri. Il y’a lieu de noter que la productivité de la population des ibis est affectée en grande partie par la mortalité qui touche les poussins dans les nids et plus particulièrement ceux de Tamri. Cette mortalité pourrait être expliquée, entre autres, par le problème lié à la disponibilité ressources alimentaires, dans une région qui connait de plus en plus de perturbations liées aux activités humaines (développement touristique, troupeaux de nomade ...).

Figure 2 : Evolution de la productivité de la population des ibis dans la Région de Souss-Massa

Le comptage régulier des ibis, qui se déroule parallèlement au suivi de la reproduction, a permis de noter qu’à la veille de la saison de nidification la population des ibis au niveau de la région de Souss-Massa, compte 319 individus. Ce nombre a atteint à la fin de la reproduction les 443 oiseaux (Figure 3) .
 
Figure 3: Evolution des effectifs de la population des ibis dans la région de Souss-Massa avant (bleu) et après (rose) la saison de reproduction
Le suivi de l’évolution du nombre des ibis avant et après la reproduction de la population met en évidence un écart, dépassant parfois les 100 individus, expliqué par la dispersion de certains oiseaux dès l’achèvement de la reproduction.
Il y a lieu de noter qu’entre février et mai, coincidant avec la période de nidification, la population des ibis est répartie entre la zone du PNSM et celle de Tamri. Parcontre à partir de juin, la fin de la reproduction, presque la globalité de la poluation quitte Tamri pour se localiser au parc, comme le montre l’évolution du nombre des oiseaux recensés au parc et à Tamri, entre 2011 et 2013 (Figure 4).


Figure 4: Suivi du nombre des Ibis chauve au PNSM et à Tamri entre 2011 et 2013

Il est clair que le statut de protection, dont bénéficie l’aire protégée du PNSM, assure une tranquillité essentielle pour cette espèce, tout particulièrement vulnérable au dérangement. En effet alors que la présence des ibis est permanente le long de l’année, dans la région du parc, on remarque qu’à Tamri, à l’exception de la période de nidification, où les ibis sont localisés dans le site pour nicher, la présence des oiseaux reste fluctuante, à cause des différentes activités liées à un tourisme, qui connait un développement grandissant dans cette région.

IV. Conclusion:
En conclusion, la population des ibis a connu une bonne saison de reproduction au cours de laquelle nous avons enregistré un chiffre record de 113 couples reproducteurs. Ces derniers ont donné naissance à 148 poussins, soit une productivité de 1,3 poussin/couple.
Au terme de cette saison de reproduction, l’effectif de la population des ibis dans la région de Souss-Massa, a été estimé, à 443 ibis répartis sur les différents sites du PNSM et de Tamri.
Rapport produit par :
Widade OUBROU & Mohammed El Bekkay

jeudi 8 août 2013

L’approvisionnement en eau





Bien que les ibis chauves vivent dans une zone relativement aride et que ce sont probablement leurs proies qui leur fournissent une bonne partie de l’eau dont ils ont besoin, il faut également qu’ils boivent. Les adultes s’approchent fréquemment des cours d’eau, où ils boivent, se reposent et font leur toilette. En effet, l’un des lieux les plus propices à l’observation des ibis chauves se trouve à l’embouchure du fleuve Tamri.
Abreuvoir pour l’ibis chauve, détail et
 vue général avec sept ibis tout autour.

Apporter de l’eau aux poussins s’avère vital. En particulier, quand la nourriture se fait rare ou quand les parents éprouvent des difficultés à aller la chercher, les poussins meurent plus facilement de déshydratation que d’inanition.
Entre 1998 et 2002, une expérience fut menée avec la collaboration du Parc National de Souss-Massa, la RSPB et la SEO/BirdLife pour évaluer la dépendance par rapport à cette ressource. Le modèle expérimental permit de démontrer que l’approvisionnement en eau douce à petite échelle près des colonies de jeunes entraînait une hausse du taux de survie des poussins. L’augmentation s’avéra plus importante les années de faibles précipitations, mais elle fut constatée tous les ans.

Grace à cette expérience, depuis 2003, de l’eau douce est fournie dans des abreuvoirs dissimulés près des colonies où les parents peuvent apporter le liquide vital à leurs poussins, ce qui est probablement l’un des facteurs expliquant le taux élevé de réussite reproductrice des colonies.
En dehors de la période de reproduction, les ibis se déplacent davantage, étant donné qu’ils n’ont pas à revenir périodiquement aux nids, donc ils n’ont pas besoin de déplacements supplémentaires coûteux en énergie pour avoir accès à l’eau.

Traduction: E. Langrené

mardi 23 juillet 2013

Registre fossile des ibis chauves

Il existe actuellement deux espèces d’ibis du genre Geronticus : l’ibis du Cap G. calvus et l’ibis chauve, G. eremita. Les plus vieux fossiles qui ont été attribués à ce genre peuvent dater d’il y a 15 millions d’années...

L’espèce considérée comme la plus ancienne dans la lignée des ibis chauves est Geronticus perplexus, du Miocène (il y a 12 ou 14 millons d’années), qui fut décrite à partir d’un fragment d’humérus découvert à Sansan (France). Cette espèce fut initialement décrite comme un héron.

Un article de 2010 décrit le gisement d’Ahl al Oughlam, à Casablanca, qui date d’il y a 2,5 millions d’années. Des vestiges d’une autre nouvelle espèce y sont apparus. Elle est décrite comme G. olsoni et elle est accompagnée d’une multitude d’espèces d’oiseaux marins éteints (puffins, alcidés, albatros, ... sans compter l’épatant oiseau à pseudo-dents Pelagornis mauretanicus) et de diverses espèces terrestres, surtout steppiques (autruches, perdrix et outardes). G. olsoni devait être plus grand que G. eremita et, par conséquent,que G. calvus ou G. apelex (voir plus loin). Le gisement d’ Ahl al Oughlam est l’un des plus importants d’Afrique et présente une incroyable diversité, notamment des crocodiles et des tortues géantes, des ours, des rhinocéros, des Sivatheriums et même des cétacés et des morses.

En 1998 on décrit en Bulgarie G. balcanicus, datant d’il y a 1,85 millions d’années et on le considère dans la lignée de G. eremita ; ils seraient probablement conspécifiques.

Crânes de G. apelexG. eremita et G. calvus (d'après Olson, 1985)






Traduction: E. Langrené

jeudi 4 juillet 2013

L'Oued - les ibis chauves dans l'Atlas

Dans les années 1970, les frères français Michel et Jean-François Terrasse réalisèrent un documentaire portant ce titre dans lequel ils suivaient un fleuve marocain, plus précisément le secteur Ouarzazate-Todra-Drâa, pour répertorier les différents habitats, depuis les hauteurs de l’Atlas jusqu’aux portes du désert. Ces frères se distinguent non seulement parce qu’ils ont effectué un travail pionnier dans l’art de filmer la nature, mais parce qu’ils ont donné un élan à la conservation des rapaces de montagne, entre autres espèces.

Au cours du reportage, le fleuve Drâa n’est pas le seul protagoniste, mais l’ibis chauve apparaît de façon répétée tout au long du parcours. Ces prises de vues d’il y a quarante ans nous montrent des aspects surprenants des colonies qui existaient à l’époque et qui ont déjà disparu : par exemple des ibis volant le long des sommets enneigés du Haut Atlas ou nichant dans les tours d’Aït Benhaddou.
Dans le Haut Atlas, on observe de magnifiques images de la reproduction des ibis chauves dans les escarpements de grès où s’installent des colonies comptant des dizaines de nids. De plus, on les voit qui cherchent de la nourriture dans les cultures se trouvant juste en-dessous des colonies, à proximité immédiate des gens et du bétail.


À Aït Benhaddou, il y a des ibis qui nichent sur les tours des Kasbahs (قصبة) ou tighremt, à proximité des cigognes. Le documentaire nous montre des nids sur au moins trois tours différentes installés sur des auvents en roseau qui font saillie à chaque angle. Ce type de structures en roseau constituait un auvent qui, couvert de pisé, servait à protéger les murs contre les pluies torrentielles. 
Cette ville fortifiée fut inscrite au patrimoine de l’humanité 1987, mais elle a été le protagoniste, plus que le simple décor, d’une multitude de films (L’Homme qui voulut être roi, Le Message, Jésus de Nazareth, ...). Au cours du tournage de certains de ces longs-métrages des années 1970 (vers 1974), des réparations furent réalisées sur les édifices, si bien que les nids furent détruits et ne furent jamais reconstitués.
Grâce au témoignage de ce documentaire, on peut voir à quel point la conservation de l’ibis chauve n’est pas incompatible avec certaines activités humaines.
Comme c’était le cas à
Bireçik, les ibis peuvent vivre très proches des hommes, même si, tant dans la ville de l’Euphrate que dans le ksar d’Aït Benhaddou les limites de la cohabitation ont pu être dépassées.





Traduction: E. Langrené

lundi 1 juillet 2013

Bireçik : mythe, déclin et conservation

Bireçik a une histoire si riche qu’elle a changé très souvent de nom. Sa situation stratégique près de l’Euphrate a facilité l’implantation de différentes cultures. Au début, elle s’appela probablement Seleucia. Pour les Grecs, ce fut d’abord Zeugma (Ζεύγμα) et, plus tard,  Birtha (Βίρθα) puis Makedonópolis. Birtha est également le terme araméen pour « château ». Elle se nomma également Bir, lors des croisades Bila, en arabe al-Bīrā البيرا et en kurde Bêrecûg.

À Bireçik on raconte la légende selon laquelle Noé, pour vérifier l’existence de la terre ferme après le déluge, lâcha un ibis chauve qui le conduisit jusqu’à un lieu où s’installèrent le patriarche et sa famille. Ce lieu, c’était Bireçik. Les gens construisirent un château au sommet du promontoire ; quant aux ibis, kelaynak en turc, ils installèrent leur colonie sur la falaise aux pieds de laquelle se développa la ville. 
L’ibis fut considéré comme un symbole de renaissance, de fertilité. Quand, après la migration hivernale effectuée par les populations orientales de cette espèce, les oiseaux revenaient à leur colonie, on estimait que l’hiver touchait à sa fin et on organisait une fête de bienvenue à la mi-février.

Sur les rives de l’Euphrate, les bateliers qui garantissaient la traversée du fleuve étaient également garants du respect dû aux ibis qui nichaient par centaines. Ils se considéraient, en quelque sorte, comme héritiers de la tradition nautique de Noé.
Bateliers de l’Euphrate à Bireçik (photo Cafer Turkmen, 1954)
Néanmoins, en raison de la construction du pont sur l’Euphrate, la profession de batelier tomba en désuétude l’immigration augmenta et la tradition se perdit peu à peu. De même, à cause de l’accroissement de l’activité agricole et de la lutte contre le paludisme, les pesticides furent de plus en plus utilisés, ce qui commença à affecter sérieusement les ibis et la croissance de la population posa un problème aux oiseaux qui nichaient si proches de l’homme.

Nids d’ibis chauves à Bireçik, 1954 (photo Cafer Turkmen)

Quand Udo Hirsch visita Bireçik en 1971 lors d’une mission du WWF, il restait à peine trente couples et onze juvéniles, seuls vestiges d’une population de centaines d’individus. L’un des succès de Hirsch consista à restaurer le festival de bienvenue à kelaynak, qui n’avait pas eu lieu depuis très longtemps.
Cette baisse alarmante, ainsi que la perte d’effectifs qui ne revenaient pas de la migration hivernale incitèrent le gouvernement turc à prendre la dure mesure qui consistait à enfermer la population turque pendant une partie de l’année dans une énorme volière d’où les animaux pouvaient sortir à l’époque propice.
Kelaynak, l’ibis chauve, est redevenu un symbole de Bireçik, qui constitut un lieu très visité par les touristes en Anatolie.
Monument au kelaynak, à Birecik




Traduction: E. Langrené


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