mardi 23 juillet 2013

Registre fossile des ibis chauves

Il existe actuellement deux espèces d’ibis du genre Geronticus : l’ibis du Cap G. calvus et l’ibis chauve, G. eremita. Les plus vieux fossiles qui ont été attribués à ce genre peuvent dater d’il y a 15 millions d’années...

L’espèce considérée comme la plus ancienne dans la lignée des ibis chauves est Geronticus perplexus, du Miocène (il y a 12 ou 14 millons d’années), qui fut décrite à partir d’un fragment d’humérus découvert à Sansan (France). Cette espèce fut initialement décrite comme un héron.

Un article de 2010 décrit le gisement d’Ahl al Oughlam, à Casablanca, qui date d’il y a 2,5 millions d’années. Des vestiges d’une autre nouvelle espèce y sont apparus. Elle est décrite comme G. olsoni et elle est accompagnée d’une multitude d’espèces d’oiseaux marins éteints (puffins, alcidés, albatros, ... sans compter l’épatant oiseau à pseudo-dents Pelagornis mauretanicus) et de diverses espèces terrestres, surtout steppiques (autruches, perdrix et outardes). G. olsoni devait être plus grand que G. eremita et, par conséquent,que G. calvus ou G. apelex (voir plus loin). Le gisement d’ Ahl al Oughlam est l’un des plus importants d’Afrique et présente une incroyable diversité, notamment des crocodiles et des tortues géantes, des ours, des rhinocéros, des Sivatheriums et même des cétacés et des morses.

En 1998 on décrit en Bulgarie G. balcanicus, datant d’il y a 1,85 millions d’années et on le considère dans la lignée de G. eremita ; ils seraient probablement conspécifiques.

Crânes de G. apelexG. eremita et G. calvus (d'après Olson, 1985)






Traduction: E. Langrené

jeudi 4 juillet 2013

L'Oued - les ibis chauves dans l'Atlas

Dans les années 1970, les frères français Michel et Jean-François Terrasse réalisèrent un documentaire portant ce titre dans lequel ils suivaient un fleuve marocain, plus précisément le secteur Ouarzazate-Todra-Drâa, pour répertorier les différents habitats, depuis les hauteurs de l’Atlas jusqu’aux portes du désert. Ces frères se distinguent non seulement parce qu’ils ont effectué un travail pionnier dans l’art de filmer la nature, mais parce qu’ils ont donné un élan à la conservation des rapaces de montagne, entre autres espèces.

Au cours du reportage, le fleuve Drâa n’est pas le seul protagoniste, mais l’ibis chauve apparaît de façon répétée tout au long du parcours. Ces prises de vues d’il y a quarante ans nous montrent des aspects surprenants des colonies qui existaient à l’époque et qui ont déjà disparu : par exemple des ibis volant le long des sommets enneigés du Haut Atlas ou nichant dans les tours d’Aït Benhaddou.
Dans le Haut Atlas, on observe de magnifiques images de la reproduction des ibis chauves dans les escarpements de grès où s’installent des colonies comptant des dizaines de nids. De plus, on les voit qui cherchent de la nourriture dans les cultures se trouvant juste en-dessous des colonies, à proximité immédiate des gens et du bétail.


À Aït Benhaddou, il y a des ibis qui nichent sur les tours des Kasbahs (قصبة) ou tighremt, à proximité des cigognes. Le documentaire nous montre des nids sur au moins trois tours différentes installés sur des auvents en roseau qui font saillie à chaque angle. Ce type de structures en roseau constituait un auvent qui, couvert de pisé, servait à protéger les murs contre les pluies torrentielles. 
Cette ville fortifiée fut inscrite au patrimoine de l’humanité 1987, mais elle a été le protagoniste, plus que le simple décor, d’une multitude de films (L’Homme qui voulut être roi, Le Message, Jésus de Nazareth, ...). Au cours du tournage de certains de ces longs-métrages des années 1970 (vers 1974), des réparations furent réalisées sur les édifices, si bien que les nids furent détruits et ne furent jamais reconstitués.
Grâce au témoignage de ce documentaire, on peut voir à quel point la conservation de l’ibis chauve n’est pas incompatible avec certaines activités humaines.
Comme c’était le cas à
Bireçik, les ibis peuvent vivre très proches des hommes, même si, tant dans la ville de l’Euphrate que dans le ksar d’Aït Benhaddou les limites de la cohabitation ont pu être dépassées.





Traduction: E. Langrené

lundi 1 juillet 2013

Bireçik : mythe, déclin et conservation

Bireçik a une histoire si riche qu’elle a changé très souvent de nom. Sa situation stratégique près de l’Euphrate a facilité l’implantation de différentes cultures. Au début, elle s’appela probablement Seleucia. Pour les Grecs, ce fut d’abord Zeugma (Ζεύγμα) et, plus tard,  Birtha (Βίρθα) puis Makedonópolis. Birtha est également le terme araméen pour « château ». Elle se nomma également Bir, lors des croisades Bila, en arabe al-Bīrā البيرا et en kurde Bêrecûg.

À Bireçik on raconte la légende selon laquelle Noé, pour vérifier l’existence de la terre ferme après le déluge, lâcha un ibis chauve qui le conduisit jusqu’à un lieu où s’installèrent le patriarche et sa famille. Ce lieu, c’était Bireçik. Les gens construisirent un château au sommet du promontoire ; quant aux ibis, kelaynak en turc, ils installèrent leur colonie sur la falaise aux pieds de laquelle se développa la ville. 
L’ibis fut considéré comme un symbole de renaissance, de fertilité. Quand, après la migration hivernale effectuée par les populations orientales de cette espèce, les oiseaux revenaient à leur colonie, on estimait que l’hiver touchait à sa fin et on organisait une fête de bienvenue à la mi-février.

Sur les rives de l’Euphrate, les bateliers qui garantissaient la traversée du fleuve étaient également garants du respect dû aux ibis qui nichaient par centaines. Ils se considéraient, en quelque sorte, comme héritiers de la tradition nautique de Noé.
Bateliers de l’Euphrate à Bireçik (photo Cafer Turkmen, 1954)
Néanmoins, en raison de la construction du pont sur l’Euphrate, la profession de batelier tomba en désuétude l’immigration augmenta et la tradition se perdit peu à peu. De même, à cause de l’accroissement de l’activité agricole et de la lutte contre le paludisme, les pesticides furent de plus en plus utilisés, ce qui commença à affecter sérieusement les ibis et la croissance de la population posa un problème aux oiseaux qui nichaient si proches de l’homme.

Nids d’ibis chauves à Bireçik, 1954 (photo Cafer Turkmen)

Quand Udo Hirsch visita Bireçik en 1971 lors d’une mission du WWF, il restait à peine trente couples et onze juvéniles, seuls vestiges d’une population de centaines d’individus. L’un des succès de Hirsch consista à restaurer le festival de bienvenue à kelaynak, qui n’avait pas eu lieu depuis très longtemps.
Cette baisse alarmante, ainsi que la perte d’effectifs qui ne revenaient pas de la migration hivernale incitèrent le gouvernement turc à prendre la dure mesure qui consistait à enfermer la population turque pendant une partie de l’année dans une énorme volière d’où les animaux pouvaient sortir à l’époque propice.
Kelaynak, l’ibis chauve, est redevenu un symbole de Bireçik, qui constitut un lieu très visité par les touristes en Anatolie.
Monument au kelaynak, à Birecik




Traduction: E. Langrené


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