lundi 1 juillet 2013

Bireçik : mythe, déclin et conservation

Bireçik a une histoire si riche qu’elle a changé très souvent de nom. Sa situation stratégique près de l’Euphrate a facilité l’implantation de différentes cultures. Au début, elle s’appela probablement Seleucia. Pour les Grecs, ce fut d’abord Zeugma (Ζεύγμα) et, plus tard,  Birtha (Βίρθα) puis Makedonópolis. Birtha est également le terme araméen pour « château ». Elle se nomma également Bir, lors des croisades Bila, en arabe al-Bīrā البيرا et en kurde Bêrecûg.

À Bireçik on raconte la légende selon laquelle Noé, pour vérifier l’existence de la terre ferme après le déluge, lâcha un ibis chauve qui le conduisit jusqu’à un lieu où s’installèrent le patriarche et sa famille. Ce lieu, c’était Bireçik. Les gens construisirent un château au sommet du promontoire ; quant aux ibis, kelaynak en turc, ils installèrent leur colonie sur la falaise aux pieds de laquelle se développa la ville. 
L’ibis fut considéré comme un symbole de renaissance, de fertilité. Quand, après la migration hivernale effectuée par les populations orientales de cette espèce, les oiseaux revenaient à leur colonie, on estimait que l’hiver touchait à sa fin et on organisait une fête de bienvenue à la mi-février.

Sur les rives de l’Euphrate, les bateliers qui garantissaient la traversée du fleuve étaient également garants du respect dû aux ibis qui nichaient par centaines. Ils se considéraient, en quelque sorte, comme héritiers de la tradition nautique de Noé.
Bateliers de l’Euphrate à Bireçik (photo Cafer Turkmen, 1954)
Néanmoins, en raison de la construction du pont sur l’Euphrate, la profession de batelier tomba en désuétude l’immigration augmenta et la tradition se perdit peu à peu. De même, à cause de l’accroissement de l’activité agricole et de la lutte contre le paludisme, les pesticides furent de plus en plus utilisés, ce qui commença à affecter sérieusement les ibis et la croissance de la population posa un problème aux oiseaux qui nichaient si proches de l’homme.

Nids d’ibis chauves à Bireçik, 1954 (photo Cafer Turkmen)

Quand Udo Hirsch visita Bireçik en 1971 lors d’une mission du WWF, il restait à peine trente couples et onze juvéniles, seuls vestiges d’une population de centaines d’individus. L’un des succès de Hirsch consista à restaurer le festival de bienvenue à kelaynak, qui n’avait pas eu lieu depuis très longtemps.
Cette baisse alarmante, ainsi que la perte d’effectifs qui ne revenaient pas de la migration hivernale incitèrent le gouvernement turc à prendre la dure mesure qui consistait à enfermer la population turque pendant une partie de l’année dans une énorme volière d’où les animaux pouvaient sortir à l’époque propice.
Kelaynak, l’ibis chauve, est redevenu un symbole de Bireçik, qui constitut un lieu très visité par les touristes en Anatolie.
Monument au kelaynak, à Birecik




Traduction: E. Langrené


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